Prof d’aïkido à Madagascar
Le club d’Antisrabe (ACA) dont je suis l’entraîneur existe depuis plus de 8 ans, je crois. Il a été créé par Jacques, un autre Français, j’y suis entré comme pratiquant et très vite je suis devenu khalife à la place du khalife.
Nous avons commencé sur le parquet d’une salle de classe, en soirée. Il fallait repousser les tables et les chaises, balayer avant de commencer. La propreté n’était pas atteinte aussi facilement et on ressortait passablement noirs. Par contre cela forgeait le caractère de chuter dans ces conditions.
Depuis cette époque héroïque, trois sont encore fidèles : Serge, Meva et Alfred.
Les trois Mousquetaires sont devenus quatre, comme il se doit, avec l’arrivée de Nilsen.
Nous avons évolué dans nos lieux d’entraînement avant de nous fixer sur le terrain de foot du grand séminaire. Les kimonos du noir ont viré au vert et au marron, mais les chutes étaient plus agréables.
Les relations avec le club de judo s’améliorant et notre nombre augmentant, nous avons eu accès à leur dojo. Mais en souvenir des temps héroïques nous poursuivons les entraînements sur le terrain de foot les mercredi et dimanche.
L’an dernier, grâce à la venue de Jean François Barbe, 4° dan, de la Réunion et de Charles Rambeloson un des fondateurs de l’aïkido à Madagascar, 7 de mes élèves ont obtenu leur ceinture noire, première marche vers des progrès réels en aïkido. Soit en plus des précédents : Roger, Serge et une fille, Sitraka.
Du coup la délégation régionale de la jeunesse et des sports, la télé et la radio ont commencé à s’intéresser à nous. Le club devenait vraiment malgache et pouvait donc être reconnu officiellement. Nous allons encore passer à la télé locale avant Noël. La gloire !
Aujourd’hui nous sommes une quarantaine dont la moitié est licenciée gracieusement grâce à la fédération française d’aïkido. Ils vont avoir des passeports sportifs offerts par la ligue de la Réunion. Tout va bien. Nous devrions avoir deux stages cette année. L’un en décembre animé par Philippe Léon, 5° dan, mon prof, et un autre avec à nouveau Jean-François Barbe, 4° dan. Nous devrions être bien formés.
Pour moi ce club a beaucoup d’avantages. Il me permet de garder une activité physique, presque tous les jours et de me faire sortir un peu du séminaire. Grâce à lui surtout j’ai des contacts réguliers avec des jeunes de la ville, des jeunes « normaux » j’avais envie de dire, pas des séminaristes. Je n’ai rien contre ces derniers puisque je leur consacre la plus grande partie de mon temps et de mes préoccupations, simplement ça me change.
Dans le club il y a des ouvriers et des paysans, des scolaires et des étudiants, des chômeurs et d’autres qui alternent les petits boulots, certains vendent sur les marchés des poulets, du riz, des fruits et légumes… Un petit groupe s’est lancé dans les foies gras, mais ils ont été volés. Il est question de fabriquer et de vendre des articles de soie… Les occupations sont diverses et diversement lucratives. Il y a une solidarité entre eux.
Tous ne peuvent pas se payer un kimono, mais quand ils ont fait cet effort, je sais qu’ils s’accrochent et quand c’est Nilsen qui les fabrique, ils sont bien et pas chers. Il y a une cotisation mensuelle et une adhésion annuelle, minimes, de quelques centimes d’euros, mais qui supposent un effort financier.
J’avais pensé démarrer une équipe JOC avec eux, certains étaient prêts, mais au niveau national ça n’a pas suivi et l’aumônier international que j’ai rencontré ne m’a pas donné de vraies solutions. Ici on s’intéresse aux pauvres, aux mal nourris, aux enfants des rues, aux malades du sida, à ces catégories qui attirent des dons de l’étranger, à tous ceux qui vont à la messe et ils sont nombreux, mais pas vraiment aux jeunes travailleurs. Ils sont sans doute trop riches ! Il faut dire qu’ils ne sont pas tous pratiquants, même pas tous catholiques, enfin je crois, je ne demande pas le certificat de baptême. Mais ils m’appellent « mon père ». Certains s’excusent quand même de leur retard le dimanche matin : ils étaient à la messe ! Il y a aussi un Français, un capucin et un séminariste.
Nous avons fait des sorties ensemble, même un mini camp que j’ai beaucoup apprécié. Il y a des arrosages réguliers pour fêter les passages de grade et les grands moments de l’année comme la venue d’un prof étranger. Surtout j’arrive à parler avec les uns et les autres, je cherche à comprendre ce qu’ils font et ce qu’il les fait vivre. C’est gratuit, mais ça me plait bien.
Je les vois évoluer pour la plupart. Il y en a bien un qui ne veut pas avoir un vrai travail pour pouvoir faire de l’aïkido, mais je les sens tous de plus en plus responsables, équilibrés, physiquement et mentalement. Ils font attention à la manière dont ils s’habillent, ont les pieds propres avant de monter sur le tatami. Ils se respectent, mouchent les petits (nous en avons quatre entre quatre et cinq ans !) Ils font même des progrès en français. Ils ont bien intégré la philosophie non-violente de l’aïkido, tout en se donnant à fond. Ce sont des jeunes bien.
Nous voudrions nous construire un dojo. La construction n’est pas très chère ici, mais on n’a pas encore ce qu’il faut, alors nous sommes ouverts aux dons !
L’aïkido c’est une partie importante de ma vie ici, une ouverture et un partage.
19 December 2005 à 13:57
Mon fils était très étonné de savoir que vous faisiez de l’aïkido! “Pour un prêtre , un sport de combat ?” Toujours des idées reçues . Est-ce un sport de combat ou une philosophie du corps ?
20 February 2006 à 16:24
Remerciement
C’est un peu difficile de trouver vot’ blog, mais j’y suis qd mm parvenu.
Je suis sûr père Christian que vous me connaissez bien. Je suis un de vos élèves en aïkido (la personne dilettante, la montagne, ...) je n’ai pas bcp de commentaire mais tous vos enseignements nos ont été très utiles et je vous en remercie de tout coeur.
J’ai entendu que votre séjour ici à Mada va bientôt se terminer définitivement (sniff), on ne vous oubliera jamais pour tout ce que vous avez fait pour nous, surtout moi. ben je vous souhaite de passer le dernier séjour pour l’an prochain avec tant d’humour que celui-ci.
Merci
Njaka (le fainéant)