Fête au séminaire
Il y a 4 groupes dans le séminaire. Ils s’occupent des services, du sport, de la liturgie et de l’information. Ils se réunissent avec leur aumônier tous les lundis pour faire le point de leurs responsabilités et de la vie au séminaire. Ils prient, chantent et jouent à des jeux de société.
Un des objectifs de chaque groupe est d’organiser une fête par trimestre. La place de l’aumônier est alors essentielle puisqu’il finance les deux tiers des consommations.
Je suis avec l’équipe sport, d’une douzaine de membres et notre fête a eu lieu le 17 décembre. Ils ont acheté des boissons : une dizaine de bières, un demi-litre de rhum local, le toaka gasy, et des boissons gazeuses. Il y avait aussi quelques amuse-gueules appelées curieusement « caca pigeon » ! C’est vrai que ça y ressemble.
La fête commence un peu avant vingt heures par une prière. La musique : un CD Mp3 de musiques actuelles dans lequel ils ont sélectionné les morceaux les plus rythmés. Les musiques à la mode et écoutées par les jeunes ont souvent un fond religieux, ce qui ne les empêche pas d’être entraînantes. Je trouvais que la tendance était moins forte, mais il paraît que je fais erreur. Les chanteurs à la mode continuent à avoir beaucoup de chants religieux dans leur répertoire. Bien sûr ils parlent aussi des liens avec la tradition, des problèmes de la mondialisation, de la drogue, de l’alcool, du sida et d’amour… Les rythmes sont encore malgaches, mais on y sent l’influence des musiques de chez nous et d’ailleurs.
En tout cas ça bouge !
Les verres se remplissent et se vident, tout le monde danse, même moi. Certains s’agitent avec grâce et souplesse, d’autres sont plus lourdauds, comme moi. J’abandonne vite et ils viennent parler avec moi, les uns après les autres, en essayant de couvrir le bruit.
À 21h 30 les bouteilles sont vides, il est temps d’aller se coucher, non sans avoir remercié le Seigneur pour cette belle fête.
Ce qui m’étonne le plus c’est l’enthousiasme qu’ils manifestent pour de tels événements. « Les Malgaches aiment faire la fête », « Ça renforce les liens entre nous », « Ça me conforte dans ma vocation », beaucoup sont venus me remercier pour ma disponibilité. Je trouvais qu’il n’y avait pas de quoi, mais je crois qu’ils manquent de convivialité.
Pas terribles les fêtes ici, guère exubérantes. À part les exhumations ou retournements des morts, les seules fêtes traditionnelles auxquelles les jeunes tiennent, d’après ce qu’ils disent. Plusieurs jours de chants, de musiques souvent lancinantes, de danses, de débauche de nourriture, de proximité avec une famille habituellement éclatée, tout cela bien arrosé… Cela a de quoi laisser des souvenirs inoubliables. Mais c’est tous les 5 ou 7 ans et je n’en ai jamais été le témoin direct.
Les mariages et baptêmes auxquels j’ai participé étaient tristounets : des discours empruntés, des gens qui parlent peu entre eux, la majorité se jette sur le repas avec avidité, comme des gens qui ne mangent pas à leur faim tous les jours. C’est peut-être le cas et dans ces moments, voir un Malgache manger, c’est un spectacle ! Le gâteau terminé tout le monde salue, donne une enveloppe et repart chez lui.
On est loin des mariages du Cap-Ferret ! Manque d’argent ? Pas seulement, inutile d’être très riche pour mettre de la musique et pour danser. C’est autre chose. Le mariage de Christian a été une exception, à cause d’une longue panne d’électricité qui a fait qu’on a eu droit à un concours de chant plein d’animation entre les tables. J’en garde un excellent souvenir.
À part ça, s’il est toujours possible d’aller prendre une bière dans un bistrot, ce n’est pas courant. Sortir au restaurant le soir est rare. Il faut dire qu’à 18h il fait nuit et, en cette saison, il pleut à torrents ce qui n’incite pas à la balade, à part si on fait partie d’une bande de joyeux fêtards français. Mais, comme partout, on rencontre des gens titubants qui boivent pour oublier.
Il y a les cabarets, ces restaurants où il est possible de manger au son d’un orchestre. Ils sont fréquentés, très sympas si on arrive en bande et pas vraiment chers, mais trop pour la majorité des gens. Il y a des boîtes aussi où les jeunes font la fête, mais je n’ai pas testé…
La soirée de la saint Sylvestre de l’an dernier, organisée par l’évêché (bon d’accord !), a été d’un ennui mortel et j’ai lutté contre le sommeil pour tenir jusqu’à minuit.
Avec les profs du séminaire, il nous arrive de boire l’apéro, rarement il est vrai. Mais ce n’est jamais l’occasion de s’asseoir autour d’une table pour discuter tranquillement. Il faut vite commencer à manger et le whisky se termine avec les entrées, sauf bien sûr quand on est entre Français ou avec des Malgaches qui ont vécu assez longtemps en France, ça laisse des traces !
C’est peut-être pour cela qu’il ne faut pas négliger une heure et demie de joie partagée, avec un peu d’alcool, de la musique et des danses, sans compter les bouts de dialogues, pas toujours bien audibles, mais un peu plus chaleureux que la moyenne, parce qu’on fait la fête.
À quand la prochaine ?
Je peux vous faire Verdun ? Quand je suis venu pour la première fois à Madagascar, en 1967, il m’arrivait de partir en brousse avec un missionnaire. On était accueillis par le village en fête qui venait à notre rencontre alors que nous étions encore loin : ils avaient placé des guetteurs. Nous étions invités à manger quelque chose, dans la case du chef. Ensuite il y avait des discours et les gens, rassemblés au centre du village, chantaient et dansaient avec beaucoup de joie, si j’en crois mes souvenirs. Même les vieilles nous faisaient souvent l’honneur de danser, chancelantes mais très fières, pas vexées du tout des quolibets qui leur étaient lancés.
Ils étaient pourtant très pauvres, mais ils avaient l’air heureux.
C’était le bon temps ? j’avais 20 ans ! des restes de la colonisation ? je l’ignore. C’était en tout cas sur la côte, où les gens sont plus chaleureux que ceux des plateaux, toujours un peu empruntés.